La médiation préalable obligatoire dans la fonction publique : régime juridique et impact réel

Nov 21, 2022

Instaurée à titre expérimental par la loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016, pour certains litiges au sein des ministères de l’Éducation nationale et des Affaires étrangères et des centres de gestion de la fonction publique territoriale, la procédure de médiation préalable obligatoire à la saisine du juge administratif a été généralisée par la loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021.

L’objectif est louable : la médiation préalable obligatoire (MPO) doit permettre aux protagonistes, grâce à l’intervention d’une tierce personne, indépendante, neutre et impartiale, de trouver un accord dans le cadre d’un véritable dialogue. C’est un des modes alternatifs de règlement des différends mis en place pour éviter un recours contentieux systématique devant les juridictions administratives.

Le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 en fixe le champ et les modalités d’application et l’étend à tout le territoire national.

Quels en sont les domaines concernés ?

La MPO dans la fonction publique s’applique désormais à tous les agents de la fonction publique de l’État affectés dans un service déconcentré du ministère de l’Éducation nationale (rectorat, DSDEN, école maternelle ou élémentaire, collège et lycée) et aux agents de la fonction publique territoriale.

Concernant la fonction publique territoriale, il est impératif qu’une convention d’adhésion à la médiation ait été conclue, au préalable, entre la collectivité territoriale ou l’établissement public au sein duquel l’agent exerce ses fonctions et le centre de gestion territorialement compétent.

La MPO concerne toute décision individuelle défavorable émise par l’employeur public dans les domaines suivants :

– La rémunération (traitement, primes ou indemnités),
– Le refus de détachement ou de placement en disponibilité et, pour les agents contractuels, le refus de congés non rémunérés,
– Les refus de réintégration après détachement, placement en disponibilité, congé parental et les décisions relatives au réemploi d’un agent contractuel à l’issue d’un congé,
– La contestation de classement suite à avancement de grade, de changement de corps ou à une promotion interne,
– Le refus de formation professionnelle,
– Les mesures concernant l’aménagement lié à une situation de handicap,
– Les mesures concernant l’aménagement des conditions de travail suite à une inaptitude aux fonctions.
Quels en sont les protagonistes ?

Bien évidemment, l’agent concerné et son employeur public, parties au litige, sont donc les « médiés ».

Quant au médiateur, dans le cadre de la MPO, il est strictement désigné par les textes et l’on ne peut pas faire appel à un médiateur autre qu’institutionnel.

Ainsi, en ce qui concerne les agents du ministère de l’Éducation nationale, il s’agit du médiateur académique territorialement compétent.

Concernant les agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, c’est le représentant légal du centre de gestion qui désigne la personne physique chargée d’assurer la médiation.

Quelles en sont les modalités ?

La médiation est, comme son nom l’indique, obligatoire avant tout contentieux devant le juge administratif et doit être engagée dans le délai de recours de deux mois à compter de la notification de la décision litigieuse, prévu par l’article R421-1 du Code de justice administrative ; ce délai étant majoré dans les cas prévus à l’article R421-7 du Code de justice administrative.

Si le processus de médiation vient à échouer, l’agent pourra toujours saisir le tribunal administratif compétent car la saisine du médiateur interrompt le délai de recours contentieux et suspend le délai de prescription. Ceux-ci recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen permettant d’en attester la connaissance par l’ensemble des parties, que la médiation est terminée. À noter que l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique après l’opération de médiation n’interrompt pas, de nouveau, le délai de recours.

L’agent doit adresser sa demande par courrier, accompagné de la décision, au médiateur compétent, soit par voie électronique, soit par voie postale en recommandé avec avis de réception.

À compter de sa saisine, il revient au médiateur de mettre en œuvre le processus : le rôle du médiateur est d’aider à la reprise de communication, à la compréhension de la décision, à la prise en compte de l’autre et de ses besoins.

Il organise une ou des réunions de médiation et, le cas échéant, des entretiens individuels, lors desquels les médiés peuvent être assistés par toute personne de leur choix.

Quel en est l’intérêt ?

La période d’expérimentation a permis de dresser un bilan qualitatif et quantitatif encourageant la généralisation du dispositif.

Le Conseil d’État, dans son rapport final sur l’expérimentation, a constaté, concernant la fonction publique, que sur les 994 demandes effectuées, 574 médiations ont été engagées et 463 terminées. Parmi celles-ci, 265 ont pu aboutir à un accord, soit un taux de réussite de 57 %.

En dehors du fait que ce processus puisse jouer un filtre contentieux non négligeable, l’objectif principal de la médiation est de renouer le dialogue endommagé afin de pérenniser les relations entre l’agent et l’employeur public, et, par conséquent, permettre une meilleure organisation des services, répondant par là même à la nécessité de continuité du service public.

La médiation permet de passer d’une vision strictement juridique du litige à une vision plus humaine, qui entend le conflit entre les personnes. Le médiateur s’intéresse aux difficultés relationnelles, à l’ensemble des incompréhensions et des différences entre les médiés pour leur permettre de s’en libérer et trouver une réponse adaptée.

La médiation a un rôle pleinement pédagogique en ce qu’elle peut permettre d’apporter des éclairages, des informations, des explications utiles à la résolution du différend par une meilleure compréhension de la décision querellée.

De même, lorsque le processus de médiation aboutit à un accord, cela se révèle être souvent plus efficace, en termes de délai et de coût, que l’engagement d’une procédure devant un tribunal qui est longue et ne permet que de traiter du litige, le conflit restant cristallisé.

À l’aune de cet objectif, il est donc important de préciser que même lorsque le litige n’entre pas dans le champ d’application de la médiation obligatoire, les parties au conflit peuvent toujours décider d’avoir recours à la médiation. Dans ce cas, le choix du médiateur est libre et l’entrée en médiation a les mêmes conséquences en termes d’interruption et de suspension des délais.

La médiation peut dès lors être définie comme une véritable alternative à la procédure contentieuse et son développement être encouragé.